Chapter I,
la Maison
de Sainte-Foy.
Tout ce que je viens de pondre sur ce papier est le fruit de mon cerveau et de ses escapades imprévues et constantes. Je me suis initialement attelée à mon bureau pour commencer le récit, très personnel, de mon héritage émotionnel, celui que mes grands-parents français, et leurs ancêtres, m’ont offert.
Allons-y.
Pfffffiou. Breathe in, breathe out. J’attache une émotion particulièrement intense à mon nom, Moréteau. Non due à sa sonorité sympathique, peu prétentieuse et classique, ni à sa capacité parfaite à se transformer en nom louisianais, « Moréteaux »… Mais parce qu’il agit dans mon esprit du quotidien comme un symbole, comme un logo d’ailleurs.
MORÉTEAU ! Comme un coup de tampon hardi et authentique pour lequel je veux toujours pouvoir assurer des réserves suffisantes d’encre. Je veux que ce nom vive, à chaque instant, comme je l’ai connu vivant. Comme j’en ai été témoin.
Il me vient de mon grand-père, Jean-Jacques Moréteau, médecin généraliste, père, grand-père, arrière-grand-père de famille et protecteur (entre autres) de son patrimoine adoptif : Sainte-Foy-lès-Lyon. Je pourrais l’illustrer de feuilles d’or avec l’amour et le respect que je lui porte, que beaucoup lui portent, mais cela l’aurait profondément gêné, il n’y aurait pas vu l’intérêt. Commençons son éloge avec simplicité : Papy m’a indirectement offert l’un des plus beaux cadeaux de ce monde, le goût du beau. C’est grâce à la quête du beau (de ma définition du terme, en tout cas) que je traverse chaque étape de ma vie. Je dois être brève, sinon me voilà lancée dans un roman.
Le beau, mon beau, est né dans la maison de mes grands-parents. C’étaient les tapisseries rouges en chèvre-feuille japonais du séjour. Accompagnées des deux bergères aux tissus mi-brocarts mi-velours, qui entouraient avec grâce la console Louis XV, laquelle trônait discrètement au fond de la pièce. Celle-ci m’a toujours beaucoup intimidée, car on m’avait toujours dit que, jadis, elle avait meublé « Les Délices », une belle maison genevoise où avait vécu Voltaire…
Chaque livre avait évidemment sa raison et ses coupures de journaux relatant de la même thématique. Les moins précieux étaient religieusement gravés de leur provenance et année d’appartenance, souvent en page de titre.
Mon beau était finalement partout, puisque sur chaque meuble, chaque étagère, ornaient de petits ou moyens objets pleins d’humour et de finesse.
Chaque objet avait son histoire, son vécu. Il aurait été dramatique pour Papy, ou son fils Claude, de douter de la provenance de l’un d’entre eux ! Même les plus oubliés gardaient le mérite éternel de leur histoire. Nous avions tous, finalement, un certain rôle de troubadour, à narrer avec engouement les histoires passées de ce qui faisait l’âme de cette maison : la maison de Sainte-Foy.
Papy nous a naturellement appris l’art de la mémoire. C’est un art que je vis comme un devoir. Si le beau est la raison qui oriente ma vie, je devrais bien pouvoir honorer le devoir familial de faire vivre son art : la mémoire que j’appelle Moréteau.











